Prêtre ou Pasteur ?

Pendant les années Covid, j’avais été invité en tant qu’orateur, à une conférence « online » organisée par un ministère qui se faisait donner un titre assez ronflant à connotation anglophone. Deux jours avant la conférence, nous avions fait une réunion en visio pour mettre au point les aspects techniques de connexion, de déroulé de la conférence, de mes interventions, etc.

L’une des choses qu’il voulait absolument savoir était le titre que l’on devait me donner durant l’interview qui démarrerait ma première intervention.

J’eus bien du mal à lui faire comprendre que je refusais que l’on me donne un titre, quel qu’il soit. Tu es pourtant bien un apôtre ! C’est « untel » qui me l’a dit, tu as implanté des églises à Madagascar, à la Réunion, en France, aux USA… J’ai refusé le titre… Alors on pourrait t’appeler « Pasteur » …
J’ai refusé aussi. En désespoir de cause, il a fini par m’appeler « Frère », ce qui éventuellement serait le plus acceptable, bien que…

Quand je rencontre mon frère, je ne l’appelle pas « frère Renaud » !
Je l’appelle Renaud !

Si nous nous appelons frères, c’est parce que nous avons le même Père. Dans la famille, on n’a pas besoin de titres !
Pendant toute la conférence en ligne, j’ai de même refusé de l’appeler par le titre qu’il se donnait, pas plus que je n’ai appelé les autres invités du titre dont il les affublait.

Il ne m’a jamais plus invité ni même recontacté.

Était-ce si important ?

Un ami m’a dit plus tard : « Tu aurais pu jouer le jeu » ! Eh bien non, je n’ai pas pu, ni voulu, jouer à ce jeu-là. Donner un titre à un ministère est-il si terrible que ça, me direz-vous ? Je le crois sincèrement, dans le contexte de l’Évangile en tout cas.

Pendant les temps durant lesquels j’ai exercé le ministère pastoral, une quinzaine d’années environ, j’ai rencontré quelques fois des gens qui voulaient m’appeler « pasteur », entre autres dans l’Océan Indien et aux États-Unis. Étant le fondateur des églises Souffle Nouveau à Madagascar et à la Réunion, il me fut assez simple d’y imposer le fait que l’on m’appelle Mikaël. Par contre, les chrétiens américains semblaient tenir à l’appellation par le titre.

Ils m’expliquaient qu’on appelait bien son médecin, docteur. Donc logiquement, on devait interpeller son pasteur par son titre, afin de l’honorer. Si les gens semblaient véritablement sincères en le disant, cela ne les empêchait guère de trainer ledit pasteur dans la boue si ce dernier venait à les décevoir un jour.

Un ami, lui aussi dans le ministère, me dit un jour que mon problème à ce sujet, c’était le « syndrome de l’imposteur ». Je ne me sentais tout simplement pas à la hauteur du rôle, c’est pourquoi j’étais mal à l’aise avec le titre. Le diable voulait me faire croire que je n’étais pas à ma place et évidemment, venant de lui, cela était un pur mensonge.

Cela non plus ne me convainquit pas. Plus les années passaient, plus ces titres m’irritaient. Mais je n’arrivais pas à donner une explication rationnelle à ce sentiment. Pourquoi cela créait-il un tel malaise en moi ?

Une attitude de coeur plus qu’une capacité à diriger.

En étudiant le Nouveau Testament, je me suis aperçu que la notion d’autorité, comme voulu par Christ, n’était pas basée sur une question de capacité à diriger, mais sur une qualité de cœur. [1]« Acceptez mes exigences et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. En effet, mes exigences sont bonnes et mon fardeau léger ».

Dans un monde où les auditeurs du Messie étaient accablés par l’occupant romain autant que par le temple de Jérusalem, avec des fardeaux que nul ne pouvait supporter, Jésus vient et annonce que son joug à lui sera léger. Pourquoi ? Parce qu’il est doux et humble de cœur, et qu’il va, lui, se charger du vrai fardeau qui opprime les gens, celui du péché.

Je crois que Dieu a donné les 5 ministères, ainsi que les nombreux autres appels, pour être comme lui l’a été, des dons pour l’église, et pas des « autorités » au sens où l’on entend généralement.

Quand Jésus a fait de ses disciples des apôtres, il leur a donné autorité sur les démons, sur la maladie, sur les éléments… mais pas sur les gens.

Les cinq ministères

Apôtre, ça signifie « envoyé ». Un autre terme pour ça serait « missionnaire » ! Un prophète est un messager de Dieu, cela ne lui donne pas autorité sur celui à qui reçoit le message. L’évangéliste ne peut forcer personne à entrer dans le Royaume. Le pasteur est un berger, il est là pour soigner des brebis qui appartiennent à son maître et les conduire vers de verts pâturages. L’enseignant quant à lui dispense son enseignement de la parole, mais ne peut forcer personne à le suivre.

Nous n’avons pas dans cette liste un catalogue des grades dans le Royaume, mais une liste de serviteurs qui sont là pour amener le corps de Christ à maturité.

Mais qui alors aura l’autorité pour conduire le peuple s’exclameront alors certains ! Paul, l’apôtre de Christ, nous le dit assez clairement, un collège d’ancien et de diacre, parmi lequel nous retrouvons des ministères, comme à Antioche. Ce sont eux qui conduisent, avec leurs dons s’exerçant dans leur sphère d’autorité, l’ensemble de l’église locale. Ce sont eux qui sont les facilitateurs du culte, dans lequel chaque disciple peut exercer son ministère.

[2]« Lorsque vous vous réunissez, chacun de vous peut apporter un cantique, un enseignement, une révélation, une langue ou une interprétation. Que tout se fasse pour l’édification ».

La notion de hiérarchie qui a pollué nos églises depuis des siècles vient du rétablissement du rôle de « prêtre » par Constantin en lieu et place des ministères comme établi par Paul.

Souvent, et à tort, quand on me demandait c’est quoi un pasteur, je répondais : c’est comme un prêtre, mais chez les protestants. Tout le monde comprenait alors de quoi je parlais. Mais j’avais tort !

Un prêtre, c’est celui qui sert d’intermédiaire entre les hommes et leur dieu afin de permettre aux premiers d’offrir leur sacrifice au second. C’est celui qui est chargé d’une fonction sacrée et qui accomplit les actes essentiels d’un culte religieux. Prêtre d’Isis, d’Apollon, les prêtres gaulois. Les sacrifices sanglants que les prêtres [au Pérou] offraient au soleil (Faure, Hist. art, 1912, p.238).

Il n’y a rien de ça chez les ministères établis par Dieu à travers les enseignements de Paul.

Chaque chrétien est devenu un prêtre pour lui-même.

Il n’a nul besoin de prêtre. Nous, disciples de Christ, sommes tous ensemble un Royaume de sacrificateur. Nous ne sommes pas appelés à être des intermédiaires, mais simplement des poteaux indicateurs !

Trop de ministères de Christ aujourd’hui sortent des prérogatives que le Seigneur leur a données en les appelant, s’octroyant une autorité sur les gens qu’ils n’ont pas reçue de Dieu. Tant que cela continuera ainsi, ils empêcheront les gens d’atteindre la maturité que le Seigneur attend d’eux, et ceux qui l’atteindront seront souvent forcés de quitter leur assemblée s’ils veulent servir à leur tour.

Mikaël Réale


[1] Matthieu 11:29

[2] 1 Corinthiens 14 : 26

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.