Quand le dogmatisme prend le pas sur l’amour

Ou si la pensée binaire du monde chrétien m’était contée…

« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » Peu de paroles historiques ont connu un succès aussi durable que celle-ci. Généralement employée pour résumer l’esprit de la croisade contre les Albigeois, elle apparaît dans tous les réquisitoires dirigés contre l’intolérance et le fanatisme. Le légat pontifical Arnaud Amaury l’aurait prononcée lors du siège de Béziers, le 22 juillet 1209.

Cette phrase terrible, on la trouve dans un récit du siège dû à un moine cistercien, Césaire, maître des novices au monastère de Heisterbach (près de Bonn). C’est vers 1220, soit onze ans après le massacre, qu’il écrit ce texte, intégré dans le Dialogue des miracles (V, 21), recueil de récits exemplaires présenté sous la forme d’un dialogue entre un novice et un moine.

On voit là un exemple typique de la pensée binaire (ou pensée dogmatique), qui est une façon de lire le monde en termes de bien ou de mal, vrai ou faux, coupable ou innocent…

Une vision du monde qui crée de la division, amène à considérer la différence comme menaçante et génère en général de la violence verbale si ce n’est physique.

 
La pensée binaire nous pousse à voir le monde selon le principe du « tout ou rien », à catégoriser les gens de « bon ou mauvais », de « beau ou laid », de « facile ou difficile » ! Ce même principe qui nous pousse à classer les évènements dans la catégorie « heureux ou triste ».

Pour une raison qu’on ignore, nous n’arrivons pas à discerner toutes ces zones d’ombre qui rendent la vie si complexe et intéressante. On voudrait rejeter toutes les choses qu’on ne peut mettre dans une boîte. On refuse tous les paradoxes, toutes les inconnues et toutes choses qui sont difficiles à exprimer avec des mots. Avec NOS mots…

Nous avons l’illusion que nous possédons les réponses à toutes les questions de la vie alors qu’en réalité, nous ne savons pas.

S’engager dans ce type de pensée a mené le Christianisme, mouvement de l’Esprit déversé à la pentecôte, à la chrétienté, institution humaine mais rarement humaniste, qui aujourd’hui et rejetée massivement par le monde qui nous entoure.

La pensée binaire limite nos points de vue et nos capacités.

Quand on ne voit les choses en « noir ou en blanc », nous nous privons des différentes alternatives qui s’offrent à nous pour voir le monde tel que Dieu l’a créé. C’est tout aussi vrai pour le scientifique qui ne jure que par la science et rejette en bloc le concept de la foi que pour le chrétien qui rejette la science parce qu’il a peur qu’elle vienne contredire sa compréhension de la Bible !

Pourtant, les points de vue opposés aux nôtres peuvent être à terme tout aussi bons sinon meilleurs que nos croyances actuelles.

En effet, malgré le procès et la condamnation du savant astronome Galilée par l’Inquisition pour avoir critiqué le géocentrisme et soutenu l’héliocentrisme, je ne pense pas que l’église aujourd’hui doute du fait que la terre tourne autour du soleil et pas l’inverse. Cependant, il faudra attendre le discours aux participants à la session plénière de l’Académie pontificale des sciences du 31 octobre 1992, pour que l’église, par l’intermédiaire de Jean-Paul II, reconnaisse enfin les erreurs de la plupart des théologiens de l’époque dans l’affaire Galiléo

Une source de trouble émotionnels.

La pensée binaire crée souvent un choix, qui n’en est pas un, entre « A » et « B » alors que « C » pourrait être un point de vue plus précis et utile.

Un point de vue binaire crée souvent des besoins artificiels qui, dans bien des cas, ne font qu’augmenter les déceptions et les frustrations de ceux qui la pratiquent.

Le psychologue Albert Ellis a ainsi défendu la « Thérapie rationnelle » impliquant que notre philosophie contient des croyances et des comportements limitants qui sont source de souffrances émotionnelles.

Ayant pour ma part pratiqué en tant que pasteur la relation d’aide pendant des années, j’ai vu les dégâts que ces « fausses croyances » générées par les cultures ou les doctrines d’églises pouvaient infliger dans le corps de Christ. Une fausse croyance, c’est croire dans un mensonge. Mettre sa foi dans un mensonge nous mène toujours à la déception qui conduit elle à la colère ou à la dépression.

Un christianisme sans amour.

Une des raisons qui ont poussé les chrétiens à s’éloigner de l’amour, c’est l’occidentalisation de l’évangile opérée par l’empire Romain. En effet, ce dernier, fondé sur une vue du monde développé par les philosophes grecs, fonctionne sur un système binaire (Dualisme) l’idée de Platon est devenue le point de départ de toutes les formulations ultérieures de ce que l’on appelle aujourd’hui le dualisme.

Cette pensée fondamentale de l’occident n’arrive évidemment pas à intégrer une pensée basée sur un système trinitaire (ternaire) qui est le propre de toute la pensée hébraïque.

En effet, comment faire rentrer la « trinité » dans un système à deux cases seulement ?

Pas étonnant dès lors que pour beaucoup de chrétiens occidentaux, le Saint-Esprit soit plus une sorte « d’énergie » qu’une personne à part entière ! Les deux petites cases de notre système de pensée étant déjà prise par le Père et le Fils…

Du coup, nous rejetons systématiquement ce qui ne rentre pas dans nos cases. Si tu n’es pas avec nous, c’est que tu es contre nous !

C’est un concept que l’on retrouve déjà dans les premiers temps de l’Église. Tout avait bien commencé avec le témoignage de la résurrection de Christ. Tous ceux qui étaient convertis mettaient tout en commun et annoncé la bonne nouvelle : Jésus est vivant. Parlant de l’Église primitive, Michael Green écrit, « … ils prêchaient une personne et leur message était franchement christocentrique. En effet, l’Évangile, désigné simplement sous le nom de la bonne nouvelle de Jésus ou du Christ, racontait : “Il lui a prêché Jésus… Jésus l’homme, Jésus crucifié, Jésus ressuscité, Jésus exalté à la droite du Père… Jésus qui était présent parmi ses disciples en Esprit. Le Christ ressuscité était clairement central dans leur message.

Mais très vite vont subvenir les problèmes. Entre Juifs et Gentils, entre ceux de Paul et ceux de Pierre. Entre ceux qui mangent de tout et ceux qui veulent suivre la loi de Moïse, etc. Les chrétiens vont migrer d’une posture christo-centriste à une posture doctrino-centiste.

Et malgré la bonne volonté des premiers apôtres, lors du Concile de Jérusalem qui aurait pu régler le problème, les choses vont aller de mal en pis jusqu’à que l’esprit du monde (grec) en la personne de Constantin va institutionnaliser cet état de fait.

En fait, l’Église est divisée depuis le commencement parce qu’elle n’a pas su faire la différence entre les principes et les lois. Je vous conseille à ce sujet mon livre : Des principes & des Lois. En attendant, je vous laisserai méditer ces trois versets de l’Épitre aux Romains de Paul, Chapitre 14 : 4 Qui es-tu, toi, pour juger le serviteur d’un autre ? Qu’il tienne bon ou qu’il tombe, c’est l’affaire de son maître. Mais il tiendra bon car le Seigneur, son maître, a le pouvoir de le faire tenir… 10 Et toi, pourquoi condamnes-tu ton frère ? Ou toi, pourquoi méprises-tu ton frère ? Ne devons-nous pas tous comparaître devant le tribunal de Dieu ? … 13 Cessons donc de nous condamner les uns les autres. Prenez plutôt la décision de ne rien mettre en travers du chemin d’un frère qui puisse le faire trébucher ou tomber“.

Mikaël RÉALE

One thought on “Quand le dogmatisme prend le pas sur l’amour”

  1. Très juste. Je relisais 2 Co 3:16 “Car le Seigneur c’est l’Esprit et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté”.
    Un verset qui ne m’était revenu à la mémoire depuis très longtemps, redonné comme pour m’encourager à poursuivre sur ce chemin qui nous fait réfléchir autrement que la plupart, découvrir des choses nouvelles que ce Dieu hors normes a en réserve pour les petits curieux de mon espèce… mais que très curieusement d’ailleurs les autres chrétiens ne reçoivent pas, voire réprouvent.
    Hé oui, même le Sait Esprit a du mal a faire sa place dans les esprits. Ça vient doucement, pourtant. Il ne faut pas désespérer (me dis-je à moi-même).
    Juste décentrer les membres de l’église du pasteur tout-puissant pour les recentrer sur le Ciel, Jésus, le Père ET l’Esprit Saint.

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