Et un jour, il y eut l’Église.

D’une rencontre personnelle à une vie communautaire.

Si tout le fondement du christianisme repose sur le principe d’une rencontre personnel avec le Christ ressuscité, il n’en demeure pas moins que dès le commencement de l’église, ceux qui ont vécu cette rencontre ont voulu s’assembler.

À aucun moment nous ne voyons dans la bible que ceux qui reçoivent le Christ ne cherchent à s’isoler pour vivre leur foi de façon individuelle. Bien au contraire, ils se rassemblent afin de « tout mettre en commun » !

L’expression « ils ont tout en commun » se retrouve presque mot à mot dans plusieurs passages du livre des Actes.

Ce sont des résumés textuellement et conceptuellement apparentés. En connexion directe avec le miracle de la Pentecôte et de la première prédication de Simon Pierre[1], Luc résume ainsi les principales caractéristiques de la communauté des premiers chrétiens de Jérusalem : ils sont assidus aux prédications des Apôtres, aux réunions communes, à la fraction du pain et aux prières.

La crainte de Dieu semble être dans tous les cœurs et beaucoup de prodiges et de miracles se font par les Apôtres.

Tous ceux qui croient ont mis tout en commun. Ils vendent leurs terres et leurs biens et ils en répartissent le produit selon les besoins de chacun.

Chaque jour, tous ensemble, ils fréquentent le temple et rompent leur pain dans leurs maisons (communion). Ils prennent leur nourriture avec joie et simplicité de cœur et louent Dieu tous ensemble.

Leur témoignage du changement radical de vie manifesté ainsi leur amène la faveur de tout le peuple.

Cela a pour résultat que le Seigneur ajoutait chaque jour à leur nombre ceux qui se donnaient à lui » [2] ! 

Le mot grec « koinonia » (communauté) n’est utilisé par Luc qu’ici. Comme l’affirme la tournure « hapanta koina » (tout en commun), cela ne signifie pas seulement une harmonie personnelle dans le sens où ils s’aiment les uns les autres. Le concept est poussé bien au-delà dans une vision et une utilisation sociale de la propriété privée. La distribution des recettes des ventes aux nécessiteux est donc une partie intégrante de cette communauté, au même titre que la prédication des apôtres, que la fraction du pain, que la prière et la mission. C’est pour cette raison que la communauté, comme le dit le verset 47, reçoit la faveur de tout le peuple juif.

Ce changement de paradigme est l’effet du Saint-Esprit répandu à la Pentecôte.

En partageant leurs biens, manifestant ainsi le changement d’objectifs de leur vie, ils démontrent à tous qu’ils ont reçu l’Esprit promis, et qu’ils suivent l’appel à la conversion.

Paul, dans sa première épître aux Thessaloniciens, nous parle du processus de la conversion en utilisant le terme grec « epistrepho » qui peut se traduire de deux façons.

Se retourner ou se détourner, dans le sens de faire demi-tour ou encore se tourner vers quelqu’un, vers une solution, etc.

Dans le premier cas, il s’agit de la notion d’abandon d’une direction afin d’aller dans une direction opposée. Dans le deuxième cas, la notion est de choisir une personne (dans le sens de prendre parti).

Le sens évangélique du mot, nous nous en rendons compte, implique ces deux notions complémentaires dans les résultats qui doivent découler de notre conversion. Nous devons prendre le parti de Dieu et pour cela nous devons nous détourner des idoles que nous avions servies jusqu’à présent.

L’une de ses idoles, qui est servie par tous depuis le jardin d’Eden, est la recherche de l’indépendance : Mammon !

Ce terme araméen désignant une certaine forme de richesse est souvent cité dans la littérature juive dans un sens péjoratif. On le trouve dans les Évangiles dans le même sens, où il personnifie l’argent qui asservit le monde.

« Aucun homme ne peut servir deux maîtres :
car toujours il haïra l’un et aimera l’autre.
On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon »[3].

La Bible
Le culte de Mammon

En opposant directement Dieu et Mammon, le Seigneur nous montre que ce n’est pas de l’argent, comme certaines traductions le laissent entendre, qu’il est question.  

C’est non seulement la richesse matérielle qui est personnifiée en une divinité à laquelle les hommes sont susceptibles de vouer leur vie, mais aussi la recherche à travers elle d’une indépendance vis-à-vis de Dieu. Son adoration correspond dans la Torah au culte du Veau d’or.

On n’a pas besoin de Dieu, avec toutes ses exigences, on peut s’en fabriquer un nous-mêmes et de ce fait garder le contrôle !

Car Mammon veut bel et bien quelque chose. Mammon n’est pas une simple chose, ni même un système, mais une volonté à l’œuvre dans l’histoire.

Et ce qu’il veut, avant tout, c’est séparer l’abondance de bénédiction que Dieu veut pour ses enfants de la dépendance à celui qui est Adonaï Jireh, L’Éternel qui pourvoit.

En remettant les possessions matérielles et l’indépendance qu’elle représente à leur juste place, les chrétiens de la première église s’appliquent tout simplement à mettre en œuvre ce que Jésus leur a expliqué quand il a dit :

« Vous ne pouvez servir deux maîtres… »

C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai toujours eu du mal avec l’évangile de la prospérité tel qu’il est souvent prêché.

S’il est vrai que je crois que le Père veut que je prospère « Corps, Âme et Esprit », la Bible entière en atteste, Il ne veut surtout pas que cette prospérité devienne un but en soi. Et encore moi un signe « tangible » de la qualité de ma relation avec lui.

Quand j’entends des ministères aujourd’hui proclamer que leur prospérité personnelle, la magnificence de leur église, ou le compte en banque de leur ministère sont la preuve de l’approbation de Dieu, j’ai envie de pleurer ! Je pense alors à tous ces pasteurs de brousse que j’ai côtoyés à Madagascar, qui faisaient à pied des dizaines de kilomètres pour prêcher l’évangile et pour qui la prospérité était d’avoir un toit sur la tête et du riz à tous les repas pour leur famille et les gens qui manqueraient autour d’eux.

Le fait est que depuis bien trop longtemps, à rechercher notre bonheur personnel, nous avons exercé une forme de culte qui n’a pas grand-chose à voir avec ce que Dieu attendait de nous.

Il y a quelque temps, j’ai entendu le Père me dire que nous (l’église) avions remplacé la « communion » par des « réunions » et que nous nous attendions à ce qu’Il bénisse néanmoins nos rassemblements. Je crois qu’il y a une véritable réflexion à mener à ce sujet si nous voulons être à la hauteur du plan de Dieu dans ces temps.

À la recherche du “Paradis perdu…”

 Comme je l’ai déjà expliqué, nous sommes en permanence à la poursuite d’un bonheur perdu. C’était déjà le cas lorsque la première ville que l’on trouve dans la Bible a été construite par Caïn afin de lutter contre l’errance à laquelle il a été condamné après le meurtre de son frère[4].

Plutôt que de se soumettre à Dieu, l’homme cherche toujours des palliatifs aux conséquences de sa rébellion.

La ville est le lieu où l’être humain essaie de construire son bonheur sans Dieu. Victor Hugo l’avait déjà remarqué lorsque, dans la Légende des siècles, il écrit à propos de la ville construite par Caïn :

« Sur la porte on grava : “Défense à Dieu d’entrer”. »

Ensuite, la deuxième ville dont parle la Bible est Babel. Elle est le symbole de l’humanité qui bâtit une tour pour se faire un nom, lieu duquel Dieu est évidemment exclu.

Il est intéressant de noter qu’au chapitre 10 du livre de la Genèse, qui raconte le peuplement de la terre par les fils de Noé, il est dit que chaque famille a peuplé la terre selon la langue de chacun, selon leurs clans dans leurs nations. Avant Babel donc, on voit que chacun avait déjà sa langue.

Les commentaires rabbiniques décrivent la société de Babel comme une entreprise totalitaire au sein de laquelle la personne humaine disparaît derrière l’entreprise.

Pour que ce projet puisse se réaliser, la première chose entreprise a donc été d’unifier tout le monde autour d’une même langue. D’uniformiser en quelque sorte les tribus, les clans, les familles… Ça me rappelle la « veste Mao », emblème du maoïsme triomphant, elle devient l’uniforme de la Grande Révolution culturelle prolétarienne dont on connait les ravages commis en son nom.

Pour construire cette tour, les bâtisseurs de Babel choisiront bien évidemment la brique ! Dieu, lui bâtit avec des pierres vivantes. Combien d’églises « Babel » avons-nous construites depuis que l’évangile nous a été donné ?

Se faire un nom, dans le langage courant a même une connotation plutôt positive, synonyme de se faire une réputation, d’être connu, d’avoir du succès !

Entre des ministères qui veulent se faire un nom et des gens qui veulent retrouver le paradis perdu, qui semble être encore et toujours les motivations principales de l’homme, pas étonnant que l’église soit devenue l’institution qu’elle est aujourd’hui.

Tous les ingrédients étaient là pour que ça tourne au cauchemar. Endoctrinement et abus ont marqué l’église d’une façon indélébile et aux yeux de ceux qui ne veulent plus en entendre parler aujourd’hui, il n’y a rien de bon à y trouver disent-ils. Nous avons tous connu des amis dans le monde, des parents dans la chair, des frères et sœurs en Christ qui un jour on finit par déclarer : « Dieu, oui, mais l’église…, bin non » ! Et avouons que souvent, nous sommes à court d’arguments pour leur répondre.

Portant, le chemin d’Eden est à notre portée. Nous pourrions y retourner et y faire entrer tous ces gens qui ont été meurtris par 16 siècles d’institution. À nous de les conduire…

Au-delà du voile, le paradis retrouvé.

« Alors l’Éternel Dieu le chassa du jardin d’Eden pour qu’il travaille le sol d’où il avait été tiré.

Après avoir chassé l’homme, il posta des chérubins à l’est du jardin d’Eden, avec une épée flamboyante tournoyant en tous sens pour barrer l’accès de l’arbre de la vie »[5].

Comme nous venons de le lire, le paradis perdu est la conséquence directe de la faute de l’humanité. Si Dieu conserve tout son amour à Adam et à Eve, il n’en demeure pas moins que les conséquences sont là. Des chérubins, armés d’une épée flamboyante, sont de garde à l’entrée d’Eden. Les choses ne seront plus comme avant.

Pourtant, il semble que la porte ne soit pas définitivement fermée. Dieu continue à visiter ces hommes qu’Il aime plus que tout. Il leur fait même une promesse.

« L’Éternel dit à Caïn : Pourquoi es-tu en colère et pourquoi ton visage est-il sombre ? Si tu agis bien, tu le relèveras. Mais si tu n’agis pas bien, le péché est tapi à ta porte : son désir se porte vers toi, mais toi, domine-le »[6] !

Savez-vous ce qui était brodé sur le voile qui séparait le lieu saint du lieu très saint, ou demeuré la présence de Dieu ? Des Chérubins !

« Tu feras un voile de pourpre violette et écarlate, de rouge éclatant et de fin lin retors, orné de chérubins, dans les règles de l’art et le suspendras à quatre piliers d’acacia plaqués d’or, munis de crochets d’or et posés sur quatre socles d’argent. Tu fixeras le voile sous les agrafes. C’est là, derrière le voile, que tu déposeras le coffre contenant l’acte de l’alliance. Ce voile vous servira de séparation entre le lieu saint et le lieu très saint »[7].

C’est ce même voile, derrière lequel Jésus est entré avec son propre sang, qui s’est déchiré de haut en bas et qui aujourd’hui nous donne un accès au-delà du voile.

Le voile du Temple était un rappel constant du péché qui séparait l’humanité de la présence de Dieu. Jésus-Christ, par sa mort, a renversé la barrière entre Dieu et l’homme, si bien que maintenant, nous pouvons nous approcher de Lui avec assurance et hardiesse.[8]

C’est là que se trouve notre « paradis perdu » !
Nous n’avons pas à le chercher ailleurs.


[1] Actes 2 : 14

[2] Tiré d’Acte 2 : 42-47 et 4 32-35

[3] Matthieu 6:24. 

[4] Genèse 4, 17

[5] Genèse 3 : 23-24

[6] Genèse 4 : 6-7

[7] Exode 26 : 31-33

[8] Hébreux 4.14-16.

One thought on “Et un jour, il y eut l’Église.”

  1. Intéressant. Le déchirement du voile nous permet, non seulement la communion avec l’Esprit Saint ,et donc “to be made whole”, mais aussi de “voir” derrière le voile, l’invisible. C’est en tout cas ce que m’inspire la photo.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.